Nicodème et la nouvelle naissance

Texte  de la prédication : Jean 3, versets 1-10

C’est l’histoire d’une rencontre passionnante entre 2 êtres : Nicodème, un pharisien, membre éminent et respecté de la haute société juive, et Jésus, un inconnu issu du peuple, fils d’un charpentier de Galilée, qui parcourt le pays de village en village avec un enseignement qui interpelle tout le monde sans égards pour personne, et donc qui dérange. Et nous allons voir que cette rencontre va bouleverser la vie de Nicodème.

Jésus est depuis quelques jours à Jérusalem. Il arpente les rues de la ville et les galeries du temple. Ce qu’il fait et ce qu’il dit ne passe pas inaperçu. C’est pourquoi Nicodème veut le rencontrer. Car sans doute que le cas de Jésus est arrivé au cœur des discussions lors des assemblées du Sanhédrin, dont le rôle était d’assurer la juridiction civile en rapport avec la loi juive. Ce qu’on leur a rapporté de cet homme commence à déranger, à poser problème. Car que leur avait-on dit ?

  • que Jean-Baptiste avait ouvertement attesté que cet homme, ce Jésus, est Fils de Dieu (Jean 1 :34),
  • que depuis son arrivé à Jérusalem il fait miracles sur miracles et que les foules le suivent et l’acclament,
  • ou qu’il a osé s’en prendre aux vendeurs du temple avec une certaine violence semble-t-il.

Et les débats sont houleux, les avis sont partagés. N’en doutons pas. Beaucoup pensent déjà à se débarrasser de ce gêneur qui peut potentiellement attirer l’attention des Romains. Et ce n’est jamais bon de se faire remarquer par eux, ils ont le glaive facile lorsque la paix et l’ordre sont menacés !

Par ailleurs certaines rumeurs commencent à courir. Il paraîtrait que ce Jésus serait le Messie tant attendu. Or le Messie qu’espèrent les pharisiens est un libérateur qui mettra un terme à l’oppression romaine et rétablira la souveraineté des juifs sur leur pays. Un chef charismatique qui rétablira le trône de David. Rien de moins. Les pharisiens ne voudront pas d’un Messie avec un message mais avec des faits. Or Jésus se présente lui-même comme la lumière du monde, celle qui vient éclairer tout homme. Eux ils veulent bien d’une lumière, du moment qu’elle dénonce l’oppression romaine, qu’elle dévoile le mal chez l’ennemi. Ils ne veulent surtout pas de quelqu’un qui viendrait mettre en lumière le péché dans le cœur des hommes, de tous les hommes. Alors Jésus gêne, comme un caillou dans leur sandale. S’il ne chasse pas les Romains il doit disparaître, car eux ne veulent pas de sa lumière dans leur vie.

Nicodème fait partie de cette haute société juive. Pourtant il nous est tout de suite sympathique. Peut-être parce qu’il est un homme qui s’interroge, un homme ouvert et à l’écoute. Il est en tout cas d’une autre composition. Nicodème est pris d’un doute. Il n’est pas du genre à se plier à l’avis général. Il veut se faire sa propre opinion avant de juger quelqu’un. Et puis la loi n’interdit-elle pas de condamner quelqu’un sans l’avoir écouté ? Alors Nicodème veut savoir.

Nicodème pressent que Jésus a peut-être raison, que l’homme est effectivement enclin au mal, et prit dans ses filets comme dans un piège sans issue. Nicodème sait que le véritable ennemi de l’homme n’est pas autour de lui, mais en lui, dans cette nature corrompue qui penche si facilement vers le mal.

Les paroles de Jésus font naître en Nicodème une espérance. Alors il veut savoir, il veut poser des questions et écouter les réponses. Il se révèle être un homme d’une grande humilité, car malgré  son savoir en tant que docteur de la loi il va aller vers Jésus. Cependant sa position de chef du peuple l’oblige à agir avec prudence. Il ne sait pas encore de quel côté pencher, donc il vient vers Jésus de nuit, en cachette.

Et là nous assistons à un incroyable face à face, une sorte de dialogue de sourds qui ne semble avoir aucun sens. Nicodème aborde Jésus à l’orientale, avec les amabilités d’usage. Et Jésus lui coupe la parole et répond à une question que Nicodème n’a même pas eu le temps de poser !  

Jésus saute les préambules et va directement à l’essentiel. Il fournit à Nicodème la solution à son problème : il faut naître de nouveau ! Sacré solution me direz-vous, totalement impossible à mettre en œuvre ! Imaginez un instant la tête de Nicodème. En une courte phrase Jésus lui annonce que le problème qui est au cœur de tout homme est grave et que le chemin du salut est hors de leur portée. C’est une réponse en forme d’impasse, humainement impossible à mettre en œuvre. Car si la délivrance du mal, si le salut des hommes devant Dieu passe par une renaissance, c’est perdu d’avance, la barre est vraiment trop haute.

En quelques mots Jésus casse l’idée selon laquelle on peut, par beaucoup d’efforts, parvenir gagner la faveur de Dieu. C’est un véritable coup dur pour Nicodème qui aurait pu à ce moment-là se joindre aux disciples de Jésus qui avaient réagi avec le même désespoir. Rappelez-vous cet épisode de l’Évangile de Marc au chapitre 10 quand Jésus dit à ses disciples « Oui, mes enfants, qu’il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » Et leur réponse avait résonné comme un cri du cœur : « mais alors, qui peut être sauvé ? ».

Nicodème le dit différemment « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux? Peut-il une seconde fois entrer dans le ventre de sa mère et naître? ». La réponse de Jésus est rude, « Nicodème, tu es l’enseignant d’Israël et tu ne sais pas cela! ». Nicodème est mis en face de ses lacunes. Il est le docteur de la loi et pourtant il n’a pas compris ce qui est au cœur de cette loi.  

On est là dans une impasse. En fait en y regardant de plus près on s’aperçoit que  Jésus ne se situe pas sur le même plan que Nicodème, et il va essayer d’amener cet homme à changer son regard sur la situation. Il essaye de faire comprendre à Nicodème est que de même qu’il est impossible à un homme de naître une seconde fois de sa mère, de même il est tout à fait impossible à tout homme de parvenir au salut, quels que soient les efforts fournis et les mérites alignés. En d’autres termes Jésus lui dit ceci « Nicodème, tes efforts sont vains, tu es sur le mauvais chemin ! ».

Car la réponse de Nicodème montre bien qu’il n’a pas compris. Il est resté sur un plan purement humain en cherchant un « comment faire ». Dieu est absent de cette équation ! Jésus lui répond « tu ne sais pas cela ? » parce-qu’il aurait dû savoir que la réponse à sa question est écrite noir sur blanc dans la Torah qu’il connaît pourtant très bien, lui le docteur d’Israël. Ça lui a échappé ! En effet dans le livre du prophète Ezéchiel 36 :26-29 il est dit ceci, et c’est Dieu qui parle ici : « Je vous donnerai un cœur nouveau et Je mettrai en vous un esprit nouveau. Je retirerai de votre corps le cœur de pierre et Je vous donnerai un cœur de chair. C’est mon Esprit que Je mettrai en vous. Ainsi, Je vous ferai suivre mes prescriptions, garder et respecter mes règles … vous serez mon peuple et Je serai votre Dieu…. Je vous sauverai de toutes vos impuretés. » Avez-vous remarqué ? A 8 reprises Dieu s’engage en disant « Je ferai ceci et cela ».

Cela signifie que la réponse au problème du mal ne peut venir que de Dieu, pas des hommes. Imaginez un navire perdu dans la nuit, en pleine tempête, comment retrouverait-il son chemin si personne n’allume la lampe du phare ? Et qui peut l’allumer, certainement pas un des membres de l’équipage ! Forcément quelqu’un d’extérieur, quelqu’un qui se tient sur le rivage et qui observe ce bateau en perdition.

Alors la question de Nicodème n’a pas de sens, car même si un homme pouvait rentrer dans le sein de sa mère et renaître, rien ne serait différent. Ce qui est né humain reste humain. Le même vers se retrouverait dans le fruit et le monde continuerait à aller de travers.

Jésus révèle en fait le vrai chemin du salut : il consiste à recevoir et non arracher, à accepter avec reconnaissance, non à mériter. Jésus n’a parlé de nouvelle naissance que pour illustrer la nécessité d’un changement en profondeur, dans le cœur des hommes. Il s’agit émerger des ténèbres vers la lumière. Mais quelle lumière ? Rappelez-vous, Jésus est présenté au début de l’Évangile de Jean comme la lumière du monde, celui qui éclaire et qui guide toute personne qui vient à lui. Le salut passe par sa personne, il ne vient pas de nous. Il se reçoit par la foi. Il n’y a pas d’autre chemin.

Nicodème est venu vers Jésus avec tout son savoir, tout son bagage de docteur de la loi, et Jésus lui dit que cela ne lui sera d’aucun secours. Jésus l’invite simplement à le rejoindre sur un autre chemin où tout lui sera donné. C’est un chemin étroit, Jésus l’a souvent dit à ses disciples, un chemin où l’on s’aventure en laissant ses bagages derrière soi. Comme a dû le faire Nicodème dans ce récit. Dieu nous invite nous aussi sur ce chemin d’une rencontre avec lui à travers son Fils Jésus. Chemin de foi, chemin de confiance en un Dieu qui a fait ce que nous pensions devoir faire pour lui plaire.

Amen.Prédication donnée le dimanche 16 juin par Patrice Willm