« Soyez donc les imitateurs de Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés, et vivez dans l’amour en suivant l’exemple de Christ, qui nous a aimés et qui s’est donné lui-même pour nous comme une offrande et un sacrifice dont l’odeur est agréable à Dieu…
… car si autrefois vous étiez ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Conduisez-vous comme des enfants de lumière! Le fruit de l’Esprit consiste en effet dans toute forme de bonté, de justice et de vérité. »
Ephésiens 5 :1-2 + 8-9
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Nous sommes aujourd’hui le 3è dimanche dans le temps du carême. C’est une période de quelques semaines durant lesquelles nous sommes invités à freiner un peu la course de notre vie quotidienne, pour essayer d’entrer dans un questionnement sur le sens de ce que nous vivons. Quel but avons-nous fixé à notre existence, en vue de quoi dépensons-nous notre temps et notre énergie ?
Le carême est un temps de cheminement vers Pâques. Nous pensons à ces dernières semaines de la vie de Jésus qui monte vers Jérusalem et vers la croix. Jésus arrive au terme de son ministère et ce qui l’attend c’est le rejet, la condamnation et finalement la mort sur la croix.
De cette mort il nous est dit dans le texte que nous venons de lire « qu’il nous a aimés et s’est donné lui-même pour nous comme une offrande et un sacrifice dont l’odeur est agréable à Dieu ». Cet amour Jésus l’a manifesté concrètement dans le don de sa personne. C’était le prix à payer pour notre délivrance à nous qui nous approchons de lui avec confiance. Et si ce prix nous parait exorbitant, c’est que nous avons du mal à saisir la gravité de ce qui nous avait séparés de Dieu.
Oui, Jésus le Christ, est notre sauveur. Il n’est pas que cela d’ailleurs. Paul nous dit ce matin qu’il est également pour nous un modèle de vie.
Il y a une sorte de radicalité dans cette invitation qui nous est faite à devenir les imitateurs de Dieu. Nous voyons que Jésus a engagé sa vie entière pour notre salut, il a payé de sa personne. Pourquoi, simplement par amour pour nous. La barre est vraiment haute, pourtant Paul nous invite à prendre le même chemin ! Et nous allons voir que c’est toute la force de l’amour de Dieu de nous inviter à faire à notre tour cette expérience de l’amour qui se partage et se donne.
Arrêtons-nous un instant et posons-nous la question : qu’est-ce-que l’amour justement ? Si nous nous référons à ce qu’en dit la Bible nous voyons que l’amour est ce qui définit la nature profonde de Dieu. Entre le Père, le Fils et le SE existe de toute éternité une symbiose parfaite que rien ne peut réellement décrire. Nous n’avons pas l’équivalent sur cette terre en termes de relations avec autrui. On pourrait le décrire sous la forme d’un cercle d’amour infini.
Et voilà qu’à un moment donné, Dieu a décidé d’ouvrir ce cercle et de manifester cet amour vers l’extérieur. Nous avons été créés pour être les vis-à-vis de Dieu, ceux en face de qui il se tient dans l’intention de communiquer et de se faire connaître.
Nous avons été créés pour fonctionner dans le cadre d’une relation d’amour avec Dieu. Bien sûr nous le savons, quelque chose a mal tourné lorsque l’homme a cru que l’herbe était plus verte ailleurs. L’homme a été trompé, car ailleurs que dans la présence de Dieu, ailleurs que sous le rayonnement de son amour, il n’y a que ténèbres et désolation. En dehors de sa présence quelque chose en nous dépérit aussi sûrement qu’une plante qui ne reçoit plus de lumière.
Nous sommes les objets de l’amour de Dieu. Alors la question se pose à nous : qu’avons-nous qui mérite un tel amour, un tel sacrifice ? Qu’est-ce qui en nous éveille chez Dieu de l’amour ? J’ai beau fouiller, je ne trouve pas de raison suffisante. Car s’il nous fallait attirer l’attention de Dieu comme un jeune homme espère attirer le regard de celle pour qui bat son cœur, alors c’est sans espoir, parce que nous n’avons pas ce qu’il faut ! Pas devant quelqu’un de la stature de Dieu.
D’ailleurs savons-nous d’où vient l’amour ? Comment il surgit ? Même en restant sur le plan humain, qui peut dire pourquoi il ou elle tombe amoureux ? Il suffit parfois d’un regard, une attitude, un parfum qui traine et voilà qu’un lien invisible se tisse dans le cœur sans que nous sachions pourquoi ni comment.
Montaigne et La Boétie, deux auteurs classiques du XVIe siècle étaient unis par une amitié exceptionnelle. A quelqu’un qui lui demanda un jour comment il expliquait un lien aussi fort Montaigne a répondu par cette phrase “Si on me presse de dire pour quoi je l’aime, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’est lui, parce que c’est moi.” Voyez-vous il n’y a pas de pourquoi à l’amour. L’amour ne s’interroge pas. Il est reçu et donné, il est partagé.
Mais puisque la question est posée de savoir pourquoi Dieu nous aime, je répondrai que c’est du côté de Dieu que se trouve la réponse. Si nous sommes aimés c’est parce que lui est amour et qu’il a décidé de faire de nous les objets de son amour, malgré nous, malgré ce que nous sommes et ce que nous faisons. La seule chose qui nous ouvre l’accès à l’amour de Dieu est sa grâce, et sa grâce trouve sa source dans son amour.
Revenons à notre texte. « Soyez donc les imitateurs de Dieu puisque vous êtes ses enfants bien-aimés ». L’amour qui vient de Dieu nous fait pénétrer dans son intimité. Si nous ouvrons notre cœur, alors cet amour nous touche, nous remplit et nous transforme, il nous éloigne de tout ce qui est mal et nous place dans une lumière qui éclaire notre chemin de vie. Parce que l’amour est une force de vie. Voilà pourquoi Paul nous demande de devenir les imitateurs de Christ. Pas pour nous charger d’un Xème fardeau. Paul ne parle pas d’obligation à laquelle nous devons nous soumettre. Il parle d’une évidence : l’amour reçu de Dieu va faire bouger nos repères et mettre quelque chose en route dans nos vies. Celui et celle qui croit et qui reçoit cet amour devient un maillon d’une chaîne et va tout naturellement vouloir le transmettre. Parce que l’amour invite toujours au partage et à une forme de don de soi.
L’amour prend sa source en Dieu, il est vie et lumière, rien ne peut le retenir. Personne non plus, ne peut se l’accaparer comme si on pouvait le garder pour soi. Pas sans risque. Une image va nous permettre de mieux comprendre ce point. Il y a deux mers en Israël, la Mer de Galilée au nord et la Mer Morte au sud. La première est foisonnante de vie, elle regorge de poissons et nourrit quantité de personnes. Si vous avez été en Israël et que vous êtes passé par Tibériade vous avez certainement mangé du Saint-Pierre, ce poisson succulent péché dans les eaux de la Mer de Galilée. Dans la Mer Morte en revanche vous ne trouverez pas un animal, pas une plante, rien. Ses eaux sont mortes.
Pourtant ces mers sont toutes les deux alimentées par les eaux du Jourdain. Mais il y a une différence. Le Jourdain entre dans la Mer de Galilée et en ressort pour se jeter plus au sud dans la Mer Morte. Mais de la Mer Morte rien ne sort, ni fleuve, ni même un ruisseau, rien Elle est située bien trop bas à plus de 400 mètres sous le niveau de la Mer. La Mer Morte ne partage ses eaux avec personne. Elle est comme repliée sur elle-même et ses eaux pourrissent. Ces deux mers sont une image de ce que nous devenons quand nous nous ouvrons ou nous fermons aux autres. Nous vivons ou nous mourons en nous-mêmes !
Alors il faut aimer, nous l’avons compris. Mais est-ce que c’est difficile d’aimer ? Oui et non, cela dépend du point de vue où l’on se place. Encore une fois si nous regardons en nous-même, à nos capacités naturelles, nous ne trouverons pas ce qu’il faut. Voyez-vous nous sommes un peu comme une ampoule, vous savez, ces bulles de verre fragiles et remplies de vide. Ça ne sert à rien une ampoule, jusqu’à ce que l’on presse l’interrupteur. Alors elle brille de tout l’éclat du courant électrique qui l’alimente. Ce vide en elle se charge d’une énergie dont elle n’est pas la source. Elle ne brille pas pour elle-même mais pour éclairer les autres.
Il en est de même pour nous. Quand nous accueillons l’amour de Dieu et qu’il nous remplit, nous brillons à notre tour, nous éclairons et réchauffons les autres. Ce n’est pas nous, c’est l’amour de Dieu en nous.
Alors je vais nous ôter une épine du pied. Dieu sait bien que nous n’avons pas ce qu’il faut pour devenir les imitateurs de Christ, c’est pour cela que là encore en nous donnant son amour, il s’offre à nous, et aux autres à travers nous. C’est une force nous dépasse, nous ne pouvons pas la contenir. SI nous ouvrons notre cœur à l’amour que Dieu veut nous donner, cela va se mettre à couler à travers nous, à déborder vers tous ceux qui nous entourent, là où nous sommes, envers les membres de notre famille, nos amis, voisins et collègues.
Voyez-vous, sans Dieu, sans son amour en nous, nous passons à côté de notre destin véritable qui est d’être raccordés à Dieu pour être utile aux autres. Alors entendons ce que nous dit Paul, soyons les imitateurs de Christ dans l’amour que nous manifestons à autrui à travers le pardon, la compassion, le soutien, l’aide apportée. Mais également en étant porteur de paix, de joie, de confiance, de bonté, et de toutes ces choses que Paul appelle ailleurs les fruits de l’Esprit. L’évangile nous y invite. C’est un choix qui nous est laissé, une proposition que Dieu fait à chacun. Cela commence avec la recherche d’une relation personnelle avec Christ dans notre cœur. Soyons en certains, l’amour est le chemin sur lequel Dieu nous attend, celui sur lequel il se tiendra toujours à nos côtés.
Amen.
Prédication donnée par Patrice Willm, le 21 mars 2021.