« Mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne disparaisse pas. »
Sur les clochers de la plupart de nos églises d’Europe (y compris sur le nôtre) trône un coq. Ce coq a deux fonctions précises à remplir : la première fonction et celle d’indiquer la direction du vent. Si le vent tourne, le coq se tourne également et annonce un changement du temps.
Ce coq à également une deuxième fonction : plus spirituelle celle-là, et qui est en rapport avec la Bible : c’est pour cette raison qu’on y met un coq et non pas une flèche ou une silhouette quelconque.
L’épisode en rapport avec ce coq est le texte prévu pour notre méditation d’aujourd’hui, premier dimanche du carême :
31 [Le Seigneur dit :] « Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé.
33 « Seigneur, lui dit Pierre, je suis prêt à aller en prison avec toi, et même jusqu’à la mort. »
Donc : peu après avoir partagé le dernier repas, Jésus reste avec ses disciples, il sait ce qui va suivre. Les disciples sont pensifs : comment cela pourra-t-il continuer sans Lui ?
C’est dans ce contexte que Jésus annonce à Pierre qu’il se tournera avec le vent tout comme le coq sur notre clocher: tout d’abord on le voit sûr de lui et radical : « même si tous fuiront, je ne t’abandonnerais jamais » assura-t-il Jésus. Peu de temps après il se tournera dans le sens du vent dominant : il se fit tout petit et affirma ne pas le connaître.
Pierre : un opportuniste qui tourne sa veste en fonction du vent ?
Pourtant, c’est justement ce Pierre-là qui, plus tard, sera un des personnages les plus décisifs lorsque se créeront ces communautés qui formeront l’Église Chrétienne.
Pierre, son humanité, ses faiblesses, ses doutes, ses échecs.
Si ce personnage a quelque chose d’exemplaire pour nous, ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un héros infaillible ; il est exemplaire dans son humanité, avec ses faiblesses, ses doutes, ses échecs. Et, (qui sait ?) c’est peut-être parce qu’il a vécu ses faiblesses, ses échecs, ses doutes, qu’il était vraiment en mesure « d’affermir ses frères » (v. 32).
En effet, nous ne pouvons peut être accompagner les autres que par les chemins (parfois douloureux) par lesquels nous avons dû passer nous-même.
En d’autres termes : cette expérience de Pierre ici, c’est aussi notre histoire.
Les promesses que Pierre fit à Jésus auparavant étaient absolument sincères, et pourtant, ce même Pierre, qualifié par Jésus comme « le rocher sur lequel il bâtira son Église » succombera à la tentation de la trahison et du renoncement pour sauver sa vie.
Cette désespérance, ce découragement qui surgit de cette (dangereuse) tentation (qui n’est pas le doute) mais qui est celle du renoncement, nous l’avons tous vécu à un moment ou un autre de notre existence.
Quand tel ou tel projet soigneusement forgé s’écroule comme un jeu de carte, quand après des décennies de travail dans une entreprise, je suis « jeté » comme un mouchoir usagé parce qu’on « délocalise » ; lorsque la vie me pousse à faire des choix entre un mal ou un pire…
Cette impression d’être un « perdant », un « looser » que Pierre dut avoir, le soir de sa trahison.
Jésus sait d’avance que Pierre échouera, qu’il ne tiendra pas parole, qu’au milieu de ses doutes et de son désespoir il risquera de renoncer. Et pourtant, il ne le juge pas, il ne lui dit pas « je ne veux plus rien savoir » mais au contraire « je prie pour toi pour que ta foi ne disparaisse pas » (v.32)
En d’autres termes : je prie pour toi que l’épreuve, l’échec, le doute, ne te fasse pas succomber à la tentation du renoncement tout comme moi je ne renonce pas à toi.
Certes, il n’empêchera pas que Pierre soit soigneusement secoué au gré de vents différents ou de tempêtes comme le blé dans un tamis, mais il s’en sortira, peut-être pas sans égratignures, mais probablement fortifié sans avoir succombé.
Son reniement occasionnel n’a pas abouti au renoncement définitif.
Et pour être « passé par là » sera-t-il en mesure « d’affermir ses frères » à son retour.
La foi, une force face aux épreuves.
Cet épisode de l’annonce de la trahison de Pierre est pour nous une bonne indication sur ce que la Bible entend par « la foi ».
Celle-ci n’est pas une crédulité naïve à toute épreuve mais bien plus de l’ordre de la force endurante qui accepte les épreuves, les questionnements, les doutes sans succomber à la tentation de la désespérance et du renoncement.
Je crois que la description de la foi qu’a faite un jour Alphonse Maillot, est en grande cohérence avec les mésaventures de l’apôtre Pierre que nous venons de retracer.
« Demander la foi, la vraie, la grande, la belle, c’est déjà la foi, celle qui chaque matin, pour mieux se porter, va manger sa grosse ration d’incrédulité et de scepticisme.
Demander l’espérance, en se battant contre tous les « non » et tous les catastrophismes que le monde nous inflige, c’est déjà I ‘espérance, la vraie, celle qui doit dévorer son kilo de désespoir quotidien.
Demander l’amour, en sachant qu’on a le cœur sec et le secret désir de ne se donner à personne, c’est déjà l’amour, celui qui doit piétiner sa tonne d’égoïsme chaque jour.
Croire, c’est courir après la foi,
Espérer c’est courir après I ‘espérance,
Aimer c’est courir après l’amour.»
La prochaine fois que vous regardez le coq perché sur notre clocher n’y voyez pas un avertissement disant que nous risquons d’être des traîtres potentiel, voyez y plutôt un symbole de la force que Dieu veut nous donner de ne pas nous essouffler dans la résignation.
Dimanche 10 mars 2019, prédication donnée par le pasteur Christophe Zenses à partir du texte de Luc 22, versets 31 à 34.