Apprenez à faire le bien et recherchez la justice.

Tel était le mot d’ordre proposé pour les célébrations de la Semaine de Prière pour l’Unité des chrétiens en cette année 2023.

C’est le samedi 21 juin à 18h que les protestants et les catholiques de notre secteur se sont réunis en l’église catholique Saint Etienne de Mittelbergheim. Cette célébration fut pour tous un beau moment de paix et de fraternité. Retrouvez ci-dessous la prédication donnée par la pasteure Anne-Sophie Hahn (à lire ou à télécharger).

Célébration œcuménique 2023Samedi 21 janvier 2023
Église catholique Saint-Etienne Mittelbergheim, 18h00

Prédication donnée par Anne-Sophie Hahn, pasteure à Barr.

(si vous souhaitez télécharger le fichier PDF de la prédication : cliquez ici)

Esaïe 1, v. 12-18 (version français courant)

12 Vous venez vous présenter devant moi, mais vous ai-je demandé de piétiner les cours de mon temple ? 
13 Cessez de m’apporter des offrandes, c’est inutile ; cessez de m’offrir la fumée des sacrifices, j’en ai horreur ; cessez de célébrer les nouvelles lunes, les sabbats ou les fêtes solennelles : je n’admets pas un culte mêlé au crime, 
14 je déteste vos fêtes de nouvelle lune, vos cérémonies sont un fardeau pour moi, je suis fatigué de les supporter. 
15 Quand vous étendez les mains pour prier, je détourne les yeux pour ne pas voir. Vous avez beau faire prière sur prière, je refuse d’écouter, car vos mains sont couvertes de sang. 
16 Lavez-vous, purifiez-vous, écartez de ma vue vos mauvaises actions, cessez de faire le mal. 
17 Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, tirez d’affaire l’opprimé, rendez justice à l’orphelin, prenez la défense de la veuve. »
18 « Venez donc, dit le Seigneur, nous allons nous expliquer. Si vos péchés ont la couleur du sang, ils deviendront blancs comme neige. S’ils sont rouge vif, ils prendront la blancheur de la laine. 

Quelle brutalité dans ces paroles du prophète Esaïe !

Nous voici réunis, comme des milliers d’autres chrétiens dans le monde entier cette semaine, pour cette célébration œcuménique, un événement joyeux pour nos communautés, qui a un caractère exceptionnel : ce n’est pas si souvent que nous sommes réunis pour prier ensemble ! Un événement que nous avons préparé avec soin, avec les collègues prêtres et pasteurs, avec les personnes engagées dans nos paroisses, pour en faire un beau moment, une fête, à la louange de Dieu.

Et voilà que le prophète nous accueille avec ces mots, énoncés de la part de Dieu : 
Vous venez vous présenter devant moi, mais vous ai-je demandé de piétiner les cours de mon temple ? Cessez de m’apporter des offrandes, c’est inutile ; cessez de m’offrir la fumée des sacrifices, j’en ai horreur ; cessez de célébrer les nouvelles lunes, les sabbats ou les fêtes solennelles : vos cérémonies sont un fardeau pour moi, je suis fatigué de les supporter. Quand vous étendez les mains pour prier, je détourne les yeux pour ne pas voir. Vous avez beau faire prière sur prière, je refuse d’écouter. 

Et ben c’est bien la peine d’être ici ?! Qu’est-ce qu’on fait alors, on s’en va tout de suite ?!
Dieu n’est-il pas capable de discerner tout ce qui, dans nos prières et nos fêtes, vient réellement et sincèrement du fond de notre cœur ? Alors, s’il voit la sincérité de nos cœurs lorsque nous chantons et prions ensemble, comment peut-il rejeter la rejeter ?!

Que veut vraiment nous dire le prophète ? Il ne s’agit pas d’entendre ces mots avec notre susceptibilité. Esaïe ne veut certainement pas signifier que nos cultes n’ont pas de valeur aux yeux de Dieu, mais plutôt qu’il ne saurait les agréer si ce sont là les seules façons pour nous d’exprimer et de vivre notre foi.Dieu attend de nous que nous soyons des croyantes et des croyants pas seulement le dimanche matin, à l’église, mais en tout temps, en tout lieu et en toute circonstance. Et en particulier lorsque nous sommes face à l’injustice ou à la misère sociale.

Quelques mots sur le contexte dans lequel le prophète Esaïe lance ces paroles à la tête du peuple des croyants :
A son époque, Israël et Juda étaient en pleine expansion économique, et tout en même temps l’injustice, l’iniquité et les inégalités étaient fort répandues dans les 2 royaumes. Le pouvoir était partagé entre le palais royal et le Temple, et personne ne prenait la défense des victimes de l’oppression et des injustices. De plus, les riches étaient considérés comme bons et bénis par Dieu, tandis que les pauvres qui ne pouvaient offrir de sacrifices étaient dénigrés. C’est dans ce contexte que s’exprime Esaïe, en tentant d’éveiller la conscience du peuple. Au lieu de voir la religiosité de l’époque comme une bénédiction, Esaïe la voit comme un sacrilège devant Dieu, et il dénonce, comme ses collègues Michée, Amos ou Osée, l’hypocrisie qui consiste à offrir des sacrifices au Temple, tout en contribuant à l’oppression des pauvres. Le prophète s’élève vigoureusement contre les dirigeants corrompus, qu’ils soient politiques ou religieux, et prend position en faveur des défavorisés. Car pour lui, Dieu est la source du droit et de la justice. Et c’est cela qu’il exige de nous, à tout moment, et dans tous les domaines de la vie.

Les chrétiens du Minnesota qui ont préparé cette célébration, et choisi ce thème, ont une histoire douloureusement marquée par les questions de ségrégation raciale. Nous pouvons avoir le sentiment que ces questions sont moins brûlantes chez nous. Et pourtant… Le racisme est bien une réalité, chez nous aussi. Dès lors que nous supposons qu’une sorte d’êtres humains est supérieure à une autre, nous sommes coupables de racisme. Et de façon plus large, même si ce n’est pas au nom de critères raciaux, nous devons bien reconnaître que la ségrégation, la séparation, l’inégalité et l’oppression existent dans notre société. « Rechercher la justice », comme nous y invite le prophète, implique que nous soyons humblement capables de reconnaître l’existence de l’injustice et de l’oppression dans notre société. Or, il ne peut pas y avoir d’unité sans justice. Et puisque nous sommes rassemblés pour prier aujourd’hui, nous devons faire nôtre l’injonction du prophète à œuvrer pour effacer l’injustice qui nous sépare les uns des autres.

Esaïe offre un remède à ces maux qui mettent à mal notre humanité, et notre unité :

16 Lavez-vous, purifiez-vous, écartez de ma vue vos mauvaises actions, cessez de faire le mal. 
17 Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, tirez d’affaire l’opprimé, rendez justice à l’orphelin, prenez la défense de la veuve.
Le prophète Michée, quant à lui, exprime cette possibilité avec ces mots :
Tu sais ce qui est bon, ce que le Seigneur exige de toi : rien d’autre que de respecter le droit, aimer la fidélité et marcher humblement avec ton Dieu. (Michée 6, v. 8)
Il n’y a pas, dans ces versets, une longue liste de ce qui serait bien et de ce qui serait mal aux yeux de Dieu.
Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien, dit le prophète, comme si c’était une évidence.Et en vérité, nous savons ce qui est mal et ce qui est bien. Il ne s’agit pas d’une question de morale, ou d’une justice comptable qui dénombrerait le nombre de bonnes et de mauvaises actions à la fin de chaque journée, ou à la fin de notre vie.

Bien sûr, il y a dans la Bible, et dans nos lois, toute une série de commandements et d’interdits qui nous montrent la voie. Sur le plan personnel et individuel, je sais ce que j’ai à faire, je sais ce que je ne dois pas faire. Et j’imagine que chacun de nous fait de son mieux, tout en reconnaissant que nous ne sommes pas parfaits, que nous avons tous nos petits défauts, que nous avons tous un jour ou l’autre proféré une insulte ou grillé un feu rouge ?! Mais il y a plus à faire que le strict minimum, ou le respect de quelques règles de bonne conduite. Il y a à se soucier les uns des autres, et en particulier de celles et de ceux qui sont les plus malmenés par la vie. Et je pense que nous avons tous déjà mis en pratique ce commandement à « faire le bien, rechercher la justice, tirer d’affaire l’opprimé, rendre justice à l’orphelin, prendre la défense de la veuve »

J’aimerais que chacune et chacun de nous prenne un temps pour réfléchir à un acte de justice que nous avons déjà pratiqué. A quel moment de votre vie pensez-vous, si je vous demande : et toi, as-tu déjà défendu celui dont on bafouait les droits ? As-tu déjà ouvert ta porte à l’exclu ? As-tu pris soin de la veuve et de l’orphelin ? Je suis certaine que vous pouvez tous pensez à quelque chose que vous avez fait, de beau, de juste, de solidaire.
Prenons le temps d’y penser, et portons dans notre prière les personnes à qui nous sommes venus en aide, en particulier si elles ont toujours besoin de soutien, d’amitié, de secours, de soin. Et pour prolonger ce temps de réflexion, j’aimerais que chacun de nous pense aussi à ce que nous pourrions accomplir, un geste concret, une action pour la justice.

[temps d’introspection et de prière]

Je reviens aux paroles du prophète. Je pense qu’elles veulent pointer non pas de petites actions, mais plutôt une attitude générale. Et qu’elles s’adressent à nous de façon collective autant qu’individuelle.

Alors je nous pose la même question à titre collectif : nous, Eglise de Jésus Christ, nous, peuple du Seigneur, est-ce que nous faisons le bien ou le mal ? Est-ce que nous marchons dans la voie de la justice et du droit ? Est-ce que nous faisons droit à l’orphelin et prenons la défense de la veuve ?

Et bien à ces questions, j’aimerais répondre « oui ». Car l’Eglise, au fil des siècles, s’est soucié des petits et des pauvres. Les compagnons d’Emmaus, Caritas, l’Armée du Salut, les Petits frères des Pauvres, l’Action chrétienne en Orient, la Cause, la SEMIS, la Cimade, les aumôneries de prison ou d’hôpital, impossible de citer toutes les œuvres et tous les mouvements qui sont nés sur l’initiative de chrétiens qui voulaient répondre à cet appel de Dieu à œuvrer pour la justice et le droit.
Nous pouvons être fiers de ces initiatives, de ces personnes engagées, qui chaque jour accueillent, visitent, habillent, soignent comme dans la parabole que raconte Jésus dans l’évangile de Matthieu.

Mais un texte comme celui d’Esaïe doit nous amener à nous dire qu’il est toujours possible de faire plus, de faire mieux. Que nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Que des petits, des pauvres, des étrangers, des femmes, des orphelins, des veuves, des exclus ont encore besoin de notre action, inspirée par l’amour de Dieu. Et que nous ne pouvons pas nous contenter de préparer et de célébrer de jolis cultes, si nous ne prenons pas à bras le corps aussi la question de la diaconie. Sans la laisser seulement à celles et ceux qui sont déjà engagés, mais en nous demandant : et moi, ici, maintenant, qu’est-ce que je peux faire ?

Si nous regardons le monde entier, la tâche peut nous sembler tellement immense que nous serons découragés avant même d’avoir tenté le commencement de quelque chose.
Mais si nous regardons autour de nous, là où nous sommes, nous pouvons voir où le Christ attend que nous apportions notre pierre de solidarité, pour contribuer à la construction de ce monde qu’il attend, que nous attendons, et dont nous sommes les bâtisseurs.

Pour finir, j’aimerais élargir encore un peu le champ de notre compréhension des paroles du prophète : au-delà d’un appel à ne pas être hypocrites, et à mettre nos vies en cohérence avec nos croyances, nos actes avec nos paroles, j’entends aussi un appel au témoignage.
Un appel à ne pas rester enfermés dans nos églises, où tout est familier pour nous, les rites, les cultes, les fêtes, mais à sortir témoigner au monde de ce qui nous anime : la volonté d’être les disciples de notre Seigneur, d’être ses amis, ainsi qu’il nous appelle. Et comment pouvons-nous faire cela ?

Je rappelle les paroles de Michée :
Tu sais ce qui est bon, ce que le Seigneur exige de toi : rien d’autre que de respecter le droit, aimer la fidélité et marcher humblement avec ton Dieu. (Michée 6, v. 8)

Marcher humblement avec Dieu implique repentance, réparation et réconciliation. Dieu attend de nous que nous assumions ensemble la responsabilité d’agir en faveur d’un monde plus juste, d’un monde équitable. L’unité des chrétiens devrait être un signe, même un avant-goût de l’unité réconciliée de toute la Création.

Je vous partage quelques questions que nous posent les chrétiens du Minnesota :
Quelles sont les voix qui ne sont pas entendues dans nos communautés ?
Qui n’est pas représenté autour de la table ? Pourquoi ?
Quelles Eglises et quelles communautés sont absentes de nos dialogues, de notre action commune et de nos prières pour l’unité des chrétiens ?

Alors que nous prions ensemble, comment sommes-nous prêts à agir en ce qui concerne ces voix absentes ?
Esaïe exhorte le peuple de Dieu de son temps à apprendre à faire ensemble le bien, à rechercher ensemble la justice, à secourir ensemble les opprimés, à faire droit à l’orphelin et à prendre la défense de la veuve ensemble.

Le défi lancé par le prophète nous concerne aujourd’hui. Jésus Christ a formulé cette exigence, et cet appel, avec ces mots :
Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés.
C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples.
Un temps comme celui que nous vivons aujourd’hui, ensemble, est un beau témoignage de l’amour fraternel qui nous unit, et de notre capacité à dépasser nos différences pour nous unir dans la prière et l’action solidaire. Mais là aussi, nous pouvons toujours faire plus, et mieux. Notre unité est aussi un signe de notre foi. Elle est aussi un témoignage rendu à Celui qui nous a appelés, à Celui qui nous guide, à Celui à qui nous confions nos vies. Et celui-ci nous dit : ce ne sont pas vos rites et vos fêtes qui font de vous mes disciples, mais c’est votre fraternité.

Gardons au cœur et à l’esprit ces paroles, qu’elles continuent de nous encourager à nous rapprocher les uns des autres, dans l’amour, et à être attentifs les uns aux autres dans la solidarité.
Continuons de prier pour l’unité, continuons de la construire ensemble.
Posons toujours de nouvelles pierres qui, toutes ensemble, dessinent les traits du Royaume de Dieu. Car il est déjà là, au milieu de nous. Et il est encore à venir. Et nous avons notre pierre à apporter pour cela.

Que Dieu nous en donne la force, le courage, la volonté, afin que nous puissions aussi récolter les fruits de notre engagement : un monde où règnent le droit et la justice, un monde de paix béni par Dieu.

Amen