En fait, tout bien pesé, cela fait presque 40 ans que je fais pasteur, comme on me l’a déjà dit. Et donc, cela fait 33 fois (j’ai fait le compte) que je prêche le jour de Pentecôte.
La première fois c’était en 1978 – jeune morveux de 22 ans – à Butten en Alsace Bossue, en allemand.
Depuis j’ai prêché le jour de Pentecôte en anglais, en espagnol…même en alsacien… et donc… et donc, 33 prédications plus tard, j’ai besoin de quoi ? C’était la question qui me taraudait devant mon ordinateur, le moral un peu plombé…
Au bout de 33 fois, j’ai besoin : d’un souffle nouveau.
D’une nouvelle bouffée de cet esprit – dont la traduction littérale est le souffle – la nouvelle respiration qui tombe sur les disciples lors de la fête de la Pentecôte à Jérusalem. A un moment où ils n’étaient pas exactement au meilleur de leur forme et où ils auraient pu … se disperser, ou abonder dans la nostalgie, se terrer chez eux, bien au chaud ….
Pentecôte, c’est bien « dehors que ça se passe », à l’air LIBRE.
En parlant « d’air libre », je ne veux pas faire mention de la nature, de l’air vivifiant de nos forêts etc…, mais un air qui nous rend libre d’aller vers les autres. L’esprit de Pentecôte est un souffle, un air, une force qui veut créer de la communauté.
C’est bien de cette manière que l’histoire de Pentecôte nous est racontée dans le livre des Actes : Aux apôtres restés terrés chez eux, emmurés dans leur peur, immobilisés dans leur désarroi, il a été dit : « c’est dehors que ça se passe ». Respirant l’air (qui les rend) libres, ils se mirent à parler de manière compréhensible pour tous, libres d’aller à la rencontre de l’autre, du différent (cf nationalités mentionnés dans le livre des Actes) : Le résultat : (Actes 2, v. 41)
« Ceux qui accueillirent la Parole reçurent le baptême et il y eut environ trois mille personnes ce jour-là qui se joignirent à eux ». Le début de ce que nous appelons l’Église, quelle que soit sa dénomination…et qui ne peut continuer que si nous sommes prêts à nous laisser pousser par le souffle libre qui nous dit encore aujourd’hui, « c’est dehors que ça se passe ».
Je crois que c’est de cette manière aussi qu’il nous faut comprendre l’expression de l’Apôtre Paul (Romains) « Ceux-là sont fils de Dieu qui sont poussés par l’Esprit de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais qui fait de vous (…) des héritiers de Dieu ».
Jésus dans l’Évangile de Jean, lorsqu’il parle du « Paraclet » (« Consolateur » – l’esprit tel qu’il est appelé dans l’Evangile de Jean) parle de cela : « il vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jean 14, v. 26). Un esprit qui pousse dehors en même temps qu’il invite à la mémoire, à nous souvenir : « Ah mais oui ! La vie c’est ça…ou l’amour, ou la foi… ». Nous avons plus que jamais besoin de cet Esprit pour nous ressouvenir simplement des choses essentielles (Pas facile dans un environnement ou la superficialité est érigée au rang de culture…).
Il nous est souvent difficile, de transformer dans le concret cette liberté d’enfants de Dieu. Surtout lorsqu’on vit, comme les disciples de l’Évangile de Jean, le sentiment de l’absence.
« Il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. »
Il faut que Jésus soit parti pour que l’Esprit fasse son œuvre. Je
n’ai pas la prétention de m’identifier à cette phrase un jour comme
aujourd’hui…
Encore que….
Jésus parti, les disciples doivent prendre la mesure de l’Esprit qui est en eux, que Dieu leur a donné, se mettre constamment à sa recherche, le découvrir, le développer.
Cet Esprit va m’affranchir, me rendre libre, mais aussi responsable, adulte et créatif. Je
me nourris d’une Parole, mais ensuite je la mets en pratique à ma manière, je
la fais vivre selon mes charismes, mes dons, mes possibilités, ma nature. Pas à
la lettre. Il ne s’agit pas de reproduire servilement quelque chose que Jésus
aurait fait, mais vivre ma vie en fidélité à une Parole, dans l’esprit du
Christ.
Reste
qu’il faut aux disciples d’accepter ce départ de Jésus, et le sentiment
d’absence qui va avec.
Pour éviter ce sentiment d’absence, certains cherchent à garder une main sur ce
Jésus qui nous échappe, comme un gardien du temple qui veillerait sur la pureté
d’un dogme, comme un gourou qui seul peut dicter la conduite des gens jusque
dans les moindres détails.
Jésus
comprend et accepte la tristesse de ses disciples, leur désarroi, leur
sentiment d’abandon, mais il leur fait comprendre que c’est le prix à payer
pour pouvoir naître vraiment à l’esprit qu’il veut insuffler au monde et aux
hommes.
Certes ils vont regretter cette proximité du maître qui savait régler maints
détails à leur place. Mais avec l’esprit est venu l’heure de trouver les
ressources que Dieu nous a données, et de les faire valoir, le courage de se
séparer, d’être seul, de passer par des moments de doute, d’incertitude, de
ratés. Mais c’est l’école de l’Esprit de Pentecôte.
« Je vous laisse la paix, je vous donne la paix » dit Jésus aux disciples en les quittant. Cette paix ce n’est pas simplement l’absence de guerre – ce qui serait déjà pas mal – non plus cette prétendue paix de l’âme dont se gargarisent ceux qui se réfugient dans la seule intériorité.
Mais la paix dans l’Esprit dont parle Jésus ici, c’est savoir que nos progrès, nos marches – même lorsqu’ils sont pénibles, découlent d’une même source : une Parole qui reste présente, source à laquelle il nous faudra toujours revenir pour repartir et continuer à prendre des risques, en sachant que dans cette Parole se trouve l’essentiel et qu’on a décidé de s’y tenir.
Amen.
Prédication donnée le dimanche de Pentecôte, 9 juin 2019 par le pasteur Christophe Zenses
Textes de références : Jean 16, v. 5-15 et Actes 2, v.1-21.