Loi… Alliance… Amour

Prédication du dimanche 21 août

Depuis une semaine, nous naviguons entre ombre et lumière, entre mort et résurrection, à travers le programme de ce stage musical.
Les œuvres choisies, de Bach, Schutz, Mendelssohn et Guillaume Le Dréau, nous ont donné l’occasion d’explorer les plus grandes questions, à la fois existentielles et théologiques : qu’est-ce que la mort ? qu’est-ce que la vie ? la vie ici et maintenant, mais aussi la vie après cette vie ?


Des questions qui soulèvent un grand nombre de « pourquoi » ?
Des questions qui méritent qu’on prenne le temps, de temps en temps, de s’y arrêter, pour les explorer, pas seulement tout seul, mais aussi ensemble.
Evidemment le format du culte n’est pas celui d’un échange, c’est sans doute regrettable. Je me demande parfois « pourquoi quelqu’un parle autant ? » Une seule personne, sans possibilité pour les auditeurs de répondre, d’interpeller…
L’un de mes maîtres à penser aurait répondu : « parce que la forme passive accentue l’indétermination du sujet ».
Et en effet, n’est-il pas confortable d’être une personne presque anonyme, parmi d’autres, dans une assemblée, et de pouvoir, depuis sa place, écouter ou ne pas écouter, se sentir concerné ou non, s’interroger sur la façon dont la Parole de Dieu me rejoint, aujourd’hui, dans ma vie, ou choisir de laisse plutôt divaguer son esprit autour d’autres questions :
Pourquoi la terre tourne-telle ?
Pourquoi dit-on que la nuit tous les chats sont gris, ou encore que la musique adoucit les mœurs ?
Et d’ailleurs pourquoi Ravel a-t-il écrit le Boléro ?
Peut-être y a-t-il des réponses à ces questions, ou peut-être pas…

Mais pour ce matin, au risque de décevoir certains d’entre vous, je ne vais pas me risquer à parler toute seule devant vous de la mort et de la vie.
J’aimerais que nos esprits restent tournés vers les textes qui sont proposés pour aujourd’hui, et peut-être que le sujet nous fera finalement revenir à ces questions existentielles, qui sait…
Dans les textes proposés pour aujourd’hui, il est question de la Loi.
Ou plutôt de l’Alliance. Ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Le thème de ce culte, « Le Seigneur et son peuple », nous invite à nous souvenir qu’il existe un lien, une relation entre Dieu et celles et ceux qui le connaissent.
D’ailleurs le mot « Religion » peut signifier « ce qui relie ». Ce qui relie les croyants entre eux, et ce qui les relie à Dieu.
L’alliance ne désigne-t-elle pas aussi ce lien ?
C’est l’objet que des époux s’offrent mutuellement, qui représente leurs sentiments l’un pour l’autre, leur espoir que cet amour soit aussi infini que le cercle de cette bague, mais elle représente également l’engagement qu’ils prennent l’un envers l’autre.
De la même façon, l’Alliance entre Dieu et son peuple désigne ce qui nous relie à lui, et les uns aux autres.
Dans le 1er testament, cette Alliance se forge autour de la Loi, la Parole de Dieu qui énonce d’abord une promesse, un engagement :

Je suis l’Eternel, ton Dieu.
Puis une invitation : Tu n’auras pas d’autre Dieu que moi.

Enfin une multitude de demandes, de recommandations, d’injonctions même, que nous nommons « commandements ». D’abord 10, puis 603 autres. 613 en tout. Mais pourquoi ?
Pourquoi notre Alliance avec Dieu repose-t-elle sur des commandements ?
Un mariage ne repose pas sur des commandements que les époux s’engagement mutuellement à respecter, n’est-ce pas ?
Alors pourquoi dans notre relation avec Dieu devrait-il en être ainsi ?
Sans doute parce qu’il ne peut en être autrement.

Est-ce que toute l’humanité vit au diapason de ces commandements, dont la plupart régissent la façon dont nous vivons les uns avec les autres ? N’y a-t-il jamais de vols, de meurtres, de manque de respect ? Y a-t-il pour tout le monde un jour de repos hebdomadaire, consacré à notre lien avec Dieu ? L’accueil de l’étranger, le pardon sont-ils notre loi ?
Non, car nous ne sommes pas encore arrivés à l’accomplissement de notre vocation d’humains, et pour nous croyants, de fils et de filles de Dieu, appelés à vivre selon cette Loi.
Et puisqu’il est de bon ton de regarder ses propres poutres, avant de pointer du doigt les pailles que d’autres auraient dans les yeux, regardons avec honnêteté et humilité notre propre vie, et nous verrons bien que si nous sommes sur un chemin de foi, il est sans doute parsemé d’autant de pierres que de fleurs, et traverse les prés d’herbe fraîche aussi bien que les vallées obscures, nos ombres, nos deuils.

Il faut cependant rappeler que tous ces commandements ne sont pas une voie de privation, d’obligations, d’humiliation devant un Dieu qui aurait pour projet de nous accabler et de nous faire sentir toujours indignes de lui.
Au contraire. Ils sont le chemin d’une liberté incroyable. Le chemin de la vie.
Et le Christ est celui qui n’a eu de cesse, tout au long de sa vie et de ses rencontres, de nous montrer ce chemin de vie.
Car la foi est un chemin.
Il ne s’agit pas de croire de manière statique, simplement intellectuelle, sans que cela ne nous implique.
La foi en Dieu nous met debout, et elle nous met en route.

Je suis le chemin, la vérité, la vie, dit-il.
Ce disant, il ne rend pas caduque tout le chemin qui a été accompli par ses pères.

Je ne suis pas venu abolir la loi, dit-il, mais l’accomplir, lui donner tout son sens.
Pas une lettre ni un détail de cette Loi ne sera supprimé, jusqu’à ce que tout soit réalisé.

Jusqu’à ce que tous vivent enfin selon ces paroles.
Même les pharisiens, eux qui, malgré toute leur science, n’ont pas compris que le strict respect, même de toute la loi, n’a aucun sens s’il n’est pas nourri par l’amour.
Car la loi qui juge mène à la mort. Dieu, lui, nous propose une Alliance, et un chemin de vie.

Dans ce 1er testament, que nous appelons à tort « ancien testament », il n’y a pas que des commandements. Il y a d’abord, surtout, une histoire d’alliance. Une histoire d’amour.
A son peuple, Dieu dit d’abord : Je suis ton Dieu.
Puis il propose un choix fondamental :
Je mets devant toi la vie et la mort. La bénédiction et la malédiction. Choisis la vie !
Le chemin avec Dieu n’est pas un chemin de mort, mais un chemin de vie.
Et sur ce chemin, Dieu n’est pas celui qui nous juge. Il est celui qui nous aime.

Quel est le 1er, le plus grand commandement, celui que le Christ place au-dessus de tous les autres, celui qui devient le prisme à travers lequel nous pouvons comprendre si nous sommes sur le bon chemin ?
C’est le commandement de l’amour.
Aimer Dieu. Aimer son prochain. S’aimer soi-même. Et tout ceci à double-sens.
Croire en Dieu, c’est accepter l’idée qu’il croit aussi en moi.
Penser qu’Il existe implique la possibilité que j’existe, moi aussi, pour Lui.
Lui faire confiance, c’est se dire qu’Il me fait confiance, Lui aussi.

La plus belle parabole que Jésus ait racontée, qui nous dit quelque chose de ce Dieu-là, est sans doute celle du fils prodigue, qui est aussi celle du père aimant.
Un fils qui part faire sa vie, qui échoue, qui se retrouve plus bas que terre. Il lui reste cependant une petite lueur d’espoir : je vais retourner chez mon père.
Notre confiance en Dieu devrait être à l’image de celle de ce fils en son père.
Je ne me sens pas digne de revenir ici, mais me voici.
Et le père accueille son fils. Sans aucun reproche, sans condition, sans lui demander quoi que ce soit en retour.
Tu es mon fils.

Si notre idée de Dieu pouvait s’approcher un peu de l’image de ce père…
Et si notre vie ressemblait elle aussi à celle de cet homme, qui n’est qu’amour, accueil, bonté et générosité…
Je mets devant toi la mort et la vie, la malédiction et la bénédiction, dit Dieu. Choisis la vie !
Cette vie que nous vivons est un cadeau. Un jour, elle arrive à son terme.
Que restera-t-il de votre vie si vous la passez à juger et non à aimer.
A quoi ressemble votre vie si vous jugez sans arrêt les autres, les prochains, et vous-mêmes, au lieu d’aimer ?

Toute la Création est bénie par Dieu. Non pas jugée et condamnée, mais bénie.
Accueillez-vous donc les uns les autres, pardonnez-vous, réconciliez-vous, aimez-vous, c’est ainsi, dit le Christ, que vous serez mes témoins.

Je terminerai avec cette parole de bénédiction qui vient de l’apôtre Paul :
“Que le Dieu de l’espérance vous comble de joie et de paix dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance par l’Esprit Saint”. Résistez à tous les désespoirs qui vous guettent. Espérez, envers et contre tout, en tout homme et en toute femme. Espérez en l’avenir. Espérez en Dieu.
Résistez à ceux qui disent que rien n’est possible, que rien ne vaut la peine, que c’est chacun pour soi.
Soyez bouillonnants d’espérance.
Alors vous aurez la joie et la paix dans le monde.
Et par vous, grâce à vous, tout homme, toute femme qui aura la chance de croiser votre route connaîtra cette joie, cette paix qui viennent de Dieu, notre Père à tous.

Prédication donnée par la pasteure de Barr, Anne-Sophie Hahn, le dimanche 21 août 2022.

Textes lus ce dimanche :

Exode 19, 1 à 6 : L’Alliance entre Dieu et son peuple
3 Moïse monta vers Dieu et l’Eternel l’appela du haut de la montagne en annonçant : « Voici ce que tu diras à la famille de Jacob, ce que tu communiqueras aux Israélites :
4 Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Egypte et la façon dont je vous ai portés sur des ailes d’aigle et amenés vers moi.
5 Maintenant, si vous écoutez ma voix et si vous gardez mon alliance, vous m’appartiendrez personnellement parmi tous les peuples, car toute la terre m’appartient.
6 Vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte. Voilà les paroles que tu diras aux Israélites. »

Marc 12, 28 à 34 : Le plus grand des commandements
28 Un des spécialistes de la loi, qui les avait entendus discuter, vit que Jésus avait bien répondu aux sadducéens. Il s’approcha et lui demanda : « Quel est le premier de tous les commandements ? »
29 Jésus répondit : « Voici le premier : Ecoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur
30 et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force.
31 Voici le deuxième : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. »
32 Le spécialiste de la loi lui dit : « Bien, maître. Tu as dit avec vérité que Dieu est unique, qu’il n’y en a pas d’autre que lui
33 et que l’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, [de toute son âme] et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, c’est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices. »
34 Voyant qu’il avait répondu avec intelligence, Jésus lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Personne n’osa plus lui poser de questions.

Et pour faire écho à cette prédication, voici un texte de Simone Weil :

Il restera de toi
Ce que tu as donné
Au lieu de le garder dans des coffres rouillés
Il restera de toi, de ton jardin secret,
Une fleur oubliée qui ne s’est pas fanée.
Ce que tu as donné
En d’autres fleurira.
Celui qui perd sa vie
Un jour la trouvera.
Il restera de toi ce que tu as offert
Entre les bras ouverts un matin au soleil.
Il restera de toi ce que tu as perdu,
Que tu as attendu plus loin que les réveils.
Ce que tu as souffert
En d’autres revivra.
Celui qui perd sa vie
Un jour la trouvera.
Il restera de toi une larme tombée
Un sourire germé sur les yeux de ton cœur.
Il restera de toi ce que tu as semé
Que tu as partagé aux mendiants du bonheur.
Ce que tu as semé 
En d’autres germera.
Celui qui perd sa vie
Un jour la trouvera.